Ce livre se consomme comme du chocolat noir : du bout de la langue, on appréhende son amertume, mais c’est au fond du palais que se révèle son sucre…D’accord, on pourra toujours faire le difficile, lorsqu’on manipulera l’ouvrage et découvrira que le brochage à l’imprimerie ne fut pas des plus parfaits. D’accord, on s’étonnera de ce que, le perfectionniste qu’est le journaliste de télévision Jean-Lambert Nang, pour faire ses premiers pas dans le monde de l’écrit, ne se soit pas fait accompagner mieux.
Mais lorsqu’on laisse de côté toutes ces préciosités ( que l’on corrigera certainement dans les prochaines éditions,) on découvre les dessous horrifiants du football camerounais. La « une » de Desperate Football House, avec le logo de la Fecafoot frappé de la tête de mort, ressemble à l’affiche d’un film d’horreur. Mais la réalité décrite par Jean-Lambert Nang va au-delà de l’horreur annoncée.
C’est chez Oliver Stone, et dans son chef-d’œuvre Apocalypse Now, que l’on retrouve cette manière impressionniste à l’extrême, de raconter une histoire, en utilisant pour relais les personnages ( leur côté fantasque) et les situations (leur côté burlesque). Des personnages, Jean-Lambert Nang refait le portrait. En voici quelques morceaux choisis : « Un monstre dans la tour », « Le flibustier de Gachiga », « L’ivresse de l’ego », sont les titres fleuris des chapitres qui traitent du cas « Abdouramane » qui , dans les séries B hongkongaises, tiendrait bien le rôle de l’intraitable « bras droit » de l’inévitable « chef bandit ». On aurait pu trouver plus poétique, Jean- Lambert Nang appelle Mme Manguele Thérèse Pauline « La putain du diable ». Il décrit comment celle qui a été, pendant de longues années, la femme – parfois l’homme- à tout faire de la Fecafoot, était la tenancière et même la dépositaire de tout le mauvais jeu de la fédération. Les délicats pourront penser qu’un gentleman pourrait mettre plus d’égards lorsqu’il parle d’une dame. Et le « Parrain de Bouéa » ( Jean René Atangana Mballa) et « Le Roi du pétrole brut » ( David Mayebi), « Le démon en nœud papillon » (Essomba Eyenga)…Tout le monde en prend pour son grade, et même davantage.
En ne voyant dans ce livre qu’une simple galerie de portraits refaits d’une main vengeresse, on se prive de l’essence même de celui-ci : une description sans complaisance du monde délité dans lequel vit le football camerounais, de l’immense supercherie que constituent les victoires épisodiques des Lions Indomptables. Jean-Lambert Nang nous ouvre les yeux sur la réalité de notre football : un football où l’âge d’un joueur n’est jamais son âge, où une licence n’en est pas une, où l’argent du foot s’en va surtout alimenter d’autres bourses.
Au moment où, indéfectible supporters enthousiastes, les fans des Lions Indomptables voient en l’arrivée de Paul Le Guen la clé magique qui débloquera les deux matchs homériques contre le Gabon en septembre prochain, Desperate football house nous ramène sur terre, pour nous rappeler que le miracle relève de l’exception. Il ne peut pas sourire aux Camerounais tous les jours. On ne se qualifiera guère pour la coupe du monde en Afrique du Sud.
Jean-Lambert Nang
Desperate Football House, Six mois dans l’enfer de la Fécafoot
Edition à compte d’auteur
424 pages
2009