Jean Manga Onguéné : le football n’a pas besoin que de footballeurs

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Une fracture de la jambe lui a interdit de connaître la consécration d’une Coupe du monde. En 1982, il aurait dû être le capitaine des Lions Indomptables du Cameroun en Espagne. Jean Manga Onguene était alors le buteur de la sélection nationale et le maître artilleur du Canon de Yaoundé. Peu auparavant, il avait reçu le Ballon d’Or africain de France Football (1980). Aujourd’hui après avoir occupé plusieurs postes d’entraîneur notamment avec les sélections nationales – il était l’adjoint de Valeri Nepomniachi en 1990 en Italie -, il est instructeur de la FIFA et directeur du bureau de développement de la FIFA à Yaoundé. A la veille de la Coupe du monde, il jette un regard plein de lucidité sur le football de son pays et sur la Coupe du monde.

Cafonline.com: Dans quelques jours, la Coupe du monde va planter sa tente en Afrique du Sud. Comment ressentez-vous ce moment unique dans les annales du football mondial ?

Jean Manga Onguéné : « Avec beaucoup d’émotion, naturellement, comme, je le pense, tous les Africains. Je me souviens que parfois on se disait : et si nous organisions la Coupe du monde en Afrique ! On le désirait mais on croyait ne jamais le vivre. Franchement qui l’aurait cru il y a encore quelques années. C’est une initiative qui nous honore. Nous sommes devenus un continent comme les autres. C’est dur d’être considérés comme les « petits » des autres. La FIFA a montré sa grandeur et la CAF a œuvré pour que la chose se produise. C’est une récompense collective ».

Cafonline.com: Une équipe africaine gagnera-t-elle sur ses terres le trophée le plus convoité de la planète football ?

Jean Manga Onguéné : « J’en rêve comme tout un chacun. Maintenant il y a trente-deux équipes qui font le même rêve. Cela fait beaucoup de candidats, chacun animé des meilleures intentions. Il n’y aura qu’un seul vainqueur et un finaliste. Pour avoir passé ma vie sur les terrains, je peux vous dire que la victoire c’est la conjugaison de toute une série de paramètres. Il suffit que l’un ou deux d’entre eux ne soient pas en harmonie avec les autres pour que la machine se grippe. Le football se passe autant dans les têtes que dans les jambes, autant sur les terrains qu’en dehors ».

Cafonline.com: Concrètement qu’attendez-vous des Lions Indomptables?

Jean Manga Onguéné : « Qu’ils se battent avec leurs qualités, qu’ils donnent le meilleur dont ils sont capables, pour parler le langage des supporteurs, qu’ils mouillent le maillot. Maintenant, très sincèrement, je ne suis pas en mesure d’apporter un jugement très précis sur l’équipe du Cameroun. Il y a beaucoup de joueurs que je ne connais pas. L’équipe a changé. Je n’ai pas suivi leur préparation. Je la découvrirai comme tous les Camerounais sur le terrain. Tous les groupes sont difficiles, le nôtre l’est également mais, en plus assez équilibré avec les Pays-Bas, le Danemark et le Japon. Le plus important pour nous, c’est l’état d’esprit qui prévaudra, l’indispensable rage de vaincre ».

Cafonline.com : Quel serait le meilleur résultat?

Jean Manga Onguéné : « La victoire finale. Je ne plaisante pas. Seule la victoire est belle. On s’est toujours contenté des ils ont bien joué, c’est pas mal, ils ont bien résisté. Non ce n’est pas avec ce genre de commentaires que se construisent les grands succès. Le Cameroun est capable de battre les meilleurs quand il le veut. Souvent il a perdu des matches pour les avoir minimisés. Les Lions Indomptables ont parfois tendance à faire une hiérarchie parmi leurs adversaires. Ils peuvent se défoncer contre l’Argentine, le Brésil, l’Angleterre etc ., et négliger une autre équipe. Sur le terrain toutes les équipes sont respectables. Il n’y a pas avant un match les bonnes équipes et les faibles. En général quand le Cameroun est en difficulté, il réagit positivement. C’est un atout.
J’attends de mon équipe qu’elle fasse mieux qu’en 1990. Je place la barre à la demi-finale. Y en a marre de vivre depuis vingt ans avec pour seule référence en Coupe du monde en Italie ».

Cafonline.com: Pas de pronostic pour le Cameroun, pas davantage pour les cinq autres Africains?

Jean Manga Onguéné : « Ce que je vous ai dit du Cameroun vaut pour les autres. Il y a plus de joueurs que je ne connais pas que de joueur que je connais. Ce qui est important c’est qu’en règle générale, nous pensons toujours que le fait d’atteindre un certain degré nous honore et nous suffit. Le jour où nous exploiterons nos capacités nous irons très loin. Très honnêtement en 1990, j’étais sur le banc, le Cameroun pouvait, devait aller en demi-finale. Il a manqué ce qui fait la force des plus Grands, la rage d’arracher la victoire, de se sortir les tripes. Il faut toujours vouloir aller plus haut. La Coupe du monde c’est un mois de compétition. Il faut s’y préparer mentalement, avoir constamment un moral de vainqueur. En Afrique du Sud, les meilleures équipes africaines vont nous représenter. Nous, comme spectateurs, notre rôle est de les encourager en espérant ».

Cafonline.com: Parlons un peu du football camerounais, celui de ses clubs. Le Canon de Yaoundé, l’Union de Douala qui faisaient la pluie et le beau temps sur la scène africaine à la fin des années 70 sont de très lointains souvenirs?

Jean Manga Onguéné : «Bâtissez une maison sans fondations, au premier coup de vent elle s’affaissera. Comme dans toute l’Afrique nous manquons de ressources propres. On ne peut pas constamment quêter auprès de nos Etats. Les sponsors se font rares, parce que nous ne nous sommes pas inscrits vis-à-vis d’eux dans un partenariat gagnant-gagnant. Le football, c’est d’abord une organisation sans failles, des administrateurs compétents, des partenaires économiques convaincus qu’ils ont un rôle à jouer et puis le football lui-même, la détection, la formation, l’éclosion. C’est, vous le voyez, un système à multiples facettes. Attention, contrairement à ce qu’avancent certains, un ex-footballeur peut ne pas être un bon entraîneur de même qu’un ex-footballeur ne fera pas nécessairement un bon dirigeant, un bon administrateur. Le football n’a pas besoin que de footballeurs

Cafonline.com: Coton Sport de Garoua a quand même joué une finale de Ligue des champions en 2008.

Jean Manga Onguéné : « C’est un club qui s’appuie sur un partenaire solide. C’est une équipe d’entreprise, de société qui recrute des joueurs et des entraîneurs à l’étranger. Je veux dire par là qu’elle a les moyens de le faire. Sur les dix dernières années le Coton Sport a été huit fois champion dont six fois consécutivement. L’équipe écrase notre championnat national. Le problème, c’est d’en trouver au moins deux ou trois autres pour que la compétition ne se résume pas à un cavalier seul ».

Cafonline.com: Un dernier mot. Quel est votre pire souvenir?

Jean Manga Onguéné : « La Coupe du monde 1982. Je devais y aller. Je devais porter le brassard de capitaine et je me brise la jambe. C’aurait été l’apothéose de ma carrière, l’occasion de faire des adieux publics dans la plus grande de nos compétitions. Et puis avec Roger (Milla), on aurait pu en marquer des buts. Quelle équipe on avait… »

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