Belles lettres: Joseph-Antoine Bell voit «de sa cage»

Le livre intitulé «Vu de ma cage» que l’ancien gardien de buts vient de commettre aux éditions du Schabel a été l’objet d’une cérémonie de dédicace inhabituelle mercredi, 15 juin 2011 à Douala.

L’ancien international camerounais, Joseph-Antoine Bell, grande gueule devant l’Eternel, vient d’ajouter une nouvelle corde à son arc. L’écriture. «Vu de ma cage», récit autobiographique enrobé d’anecdotes et d’images, vient de voir le jour aux éditions Schabel, une jeune maison d’édition qui creuse son sillon dans les dédales de la production littéraire. Une aventure éditoriale dont les prémices remontent du temps de sa flamboyance dans les arènes sportives et au-delà de sa retraite en tant que footballeur professionnel et gardien des buts de la sélection fanion des Lions Indomptables du Cameroun. Le premier bébé littéraire de Jojo, comme on l’appelle affectueusement, a poussé ses premiers cris.

Une dédicace comme on n’en voit pas tout le temps. Un Castel hall où ceux qui ont flirté avec le sport, singulièrement le sport roi, où des fans de l’ancien capitaine de l’Olympique de Marseille sous Bernard Tapie, ancien ministre, où les mordus des belles lettres, où les chasseurs d’images et autres chroniqueurs sportifs et littéraires se sont donnés rendez-vous en guise d’hommage au travail d’un homme pétri de culture.

Le ton d’une cérémonie inédite est donné par une série de penalties que Ngassa Happy, l’empereur des présidents, exécute dans une cage d’abord vide, ensuite face à Joseph-Antoine Bell qui a le dos tourné et s’est interdit de saisir le cuir avec des mains dégantées. Improvisation qui s’est inscrite dans l’air du temps de la chronique sportive, estampillée au Cameroun, par des histoires de penalties manqués ayant compromis la participation des Lions Indomptables au Mondial  allemand de 2006, une autre histoire de penalty que Samuel Eto’o Fils a superbement raté le 4 juin dernier avec pour conséquence la non qualification probable du Cameroun à la Coupe d’Afrique des nations de football 2012 qu’organisent le Gabon et la Guinée Equatoriale. Alors que le public n’a pas fini de gloser à propos de la séance des tirs aux buts, le modérateur, Paul Mahel des grands jours, annonce Joseph-Antoine Bell devant un orchestre, où il grince intelligemment les cordes d’une guitare rythmique en bandoulière et appelle Hervé Emmanuel Nkom pour le chœur.

Un chœur renforcé numériquement parlant par le truculent Gaston Kelman, auteur du best seller, «Je suis noir et je n’aime pas le manioc». Let it be, titre repris par Simon Longuè Longuè dans l’un de ses album, est exécuté avec netteté. Le public qui vient de découvrir, pour certains, le talent de musicien que Jojo n’a pas encore entièrement dévoilé, exulte. Décidément, Jojo est bourré de talents.

Leçons de vie

Un génie qui s’est exprimé dans une autre dimension de l’art. L’écriture. Diantre! Pourquoi avoir attendu plusieurs années après qu’il ait rangé ses gants pour franchir le rubicon? L’auteur du livre qui a une longue histoire explique que la «germination de cet ouvrage date de très longtemps. La tentation s’est accrue du temps où j’étais capitaine de l’Olympique de Marseille. Ecrire un livre à cette époque-là était commerçant. Tout comme, à la fin de ma carrière, je me suis mis à écrire. Tout ce que j’avais écrit alors a disparu de mon lap top. J’ai dit, je laisse cette histoire d’écrire…». Des journalistes, camerounais et étrangers, des avocats et autres proches de Bell lui ont fait pas mal de propositions pour une aventure éditoriale. Ce dernier a toujours sagement décliné ces offres parce qu’en lui sommeille « une horloge biologique qui lui commande de faire ce qu’il veut faire, quand il le veut» révèle Gaston Kelman, préfacier de  «Vu de ma cage», venu de l’Hexagone pour la circonstance. Il a finalement fallu que Melvin Akam, de la Mobile telephone network (Mtn Cameroon) lui suggère de rencontrer Haman Mana, directeur général des éditions Schabel, par ailleurs directeur de la publication du quotidien «Le Jour». Au bout de quelques échanges au monastère, sur les hauteurs du Mont Fébé à Yaoundé, les deux parties conviennent de passer à la vitesse supérieure.

Haman Mana, dans son phrasé simple, pas dénué de pertinence, ne passe pas par quatre chemins pour exprimer sa gratitude. «Vu de ma cage, est l’histoire d’un footballeur au parcours élogieux, mais à la personnalité incomprise. Sa stature lui aurait permis de publier dans n’importe quelle maison d’édition. Il a choisi Les Schabel. Une maison sans label. L’auteur a dit pourquoi pas !» C’est dire que Jojo, pas en quête de célébrité, de gloire ou de pécules, a manifesté là un sentiment national fort, qui ne lui a jamais fait défaut. Leçon de vie…

Le préfacier dans un style léché qu’on lui reconnaît, soutiendra que «de ses cages, Joseph Antoine Bell a vu des choses. Je l’ai souvent comparé à l’albatros de Baudelaire. Un coup, à Prométhée qui a apporté le feu. Jojo a apporté un supplément d’âme partout où il est passé, il a fait la révolution partout. Il a désethnicisé le football au Cameroun, contribué à la professionnalisation du football en Afrique et déracialisé le foot européen. Pour cela Jojo doit être inscrit au panthéon de notre reconnaissance» lance-t-il. Sentencieusement ! «Vu de ma cage», ouvrage qui s’est arraché comme des petits pains au cours d’une cérémonie où l’on n’a pas finalement pu aller en profondeur et en heures dans les méandres de la production du fait des intermèdes, est riche de plus de 300 pages, avec une bagatelle de 32 photos. C’est l’histoire d’un enfant des quartiers populeux de Douala qui découvre les joies du foot, en apprenant à taper dans un ballon de fortune. Tous les épisodes de la vie de Jojo y sont relatés, même les plus douloureux… Les coulisses des Lions Indomptables, les puanteurs du petit monde du foot camerounais où meuvent sorcellerie, intrigues dans un esprit d’équipe constant, les sorties et prises de positions de Bell qui lui ont valu, non pas que des lauriers supplémentaires, mais davantage le fait d’être voué aux gémonies par certains dirigeants du sport roi au Cameroun, sont légion.

En audiovisuel, «Vu de ma cage» serait des clichés, des images ramenées après un long travail de collecte d’informations sur le terrain, goupillées dans un grand reportage vivant. Comment pouvait-il en être autrement pour celui qui, non seulement fait des consultations dans diverses chaînes audiovisuelles et anime par-dessus tout des programmes d’échanges nommés interviews ? Il faut être Joseph-Antoine Bell pour passer du jeu (foot), à l’art (musique, écriture…) avec une aisance déroutante et une complémentarité dans l’expression renversante. Salut l’artiste pluridisciplinaire!

Joseph-Antoine Bell, « Vu de ma cage », éditions Le Schabel, 2011. 15 000 Fcfa

Alain NJIPOU   

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