Le Kg du Cacao à 2015 FCFA un paradoxe du bien-être du producteur et du consommateur…

Revue à la hausse à la grande satisfaction des producteurs, le prix du Cacao n’est pas de nature à rassurer l’économiste camerounais Julien Grégoire Onguene. Il y voit un serpent de mer qui promet un mauvais vent.

L’Afrique ne consomme pas les 80% du Cacao qu’elle produit.

Dr ONGUENE ATEBA Julien

 1-Une joie économique naïve

Le Cameroun danse pour le Kg de Cacao à 2015f alors que cette inflation n’a aucun impact sur le niveau de production qui pourrait nous nourrir et promouvoir l’autosuffisance alimentaire. Le cacao ne peut pas nourrir l’Afrique. Le Kg de Cacao même à 5000fcfa ne va pas nourrir l’Afrique. L’Afrique ne consomme pas les 80% du Cacao qu’elle produit.

Le vrai challenge est de produire ce que nous consommons: du manioc, macabo, plantain, patate, igname et autres pour fabriquer de la farine locale de ces tubercules pour le pain de ces tubercules et non le pain de farine venue d’ailleurs. Voilà les vrais enjeux de l’autosuffisance alimentaire. Arrêtons ce modèle de la pauvreté mentale et de l’économie coloniale. Ouvrons les yeux chers africains.

 2- Déficit d’intelligence économique agricole

Le producteur de cacao actuel ne doit pas nous tenir un discours de victoire. Il doit intégrer l’intelligence économique agricole. La joie de certains acteurs laisse croire que si on leur donne 2ha de terre actuellement, ils vont les exploiter entièrement pour le cacao au prétexte d’une inflation du prix du cacao à 2015f actuellement.

Le cacao vit une embellie conjoncturelle de court  terme et ne peut pas transformer le modèle agricole du Cameroun en l’état. Il y a des cultures qui coûtent mieux au Kg et qui peuvent réduire la sous-production et contribuer à l’autosuffisance alimentaire. Évitons de travailler pour les autres. Travaillons pour nous nourrir d’abord et exporter nos farines de tubercules made in Cameroon qui vont davantage nous produire des devises.

 3-Un serpent de mer de notre balance commerciale

La part de nos cultures de rente dans les exportations depuis 30ans oscille autour de 400 milliards de FCFA en moyenne annuelle. Très insuffisant pour avoir les devises. Ce sont les exportations des produits pétroliers qui battent le record. On aurait plus de devises avec les produits de nature industrielle qui ont une plus-value ajoutée sur la chaîne de valeur.

C’est le cas de la farine de nos tubercules. Nous sommes encore loin du blé. En termes de coût de facteurs de production pour produire la farine de blé, on fonctionne en déséconomies d’échelles. La recherche et développement (RD) est prioritaire pour trouver dans les laboratoires des variétés qui vont être cultivées dans toutes les zones agro écologiques du Cameroun.

 Ça peut prendre beaucoup de temps. Le temps de la recherche, le temps des résultats, le temps du test, le temps de la vulgarisation et le temps de l’opérationnalisation. Nos tubercules locales coûteront moins chères en termes de facteurs de production. Soyons pragmatiques, commençons par des évidences. Danser pour le Kg de Cacao à 2015fcfa est un drame pour une Afrique qui refuse de saisir les opportunités que lui offrent les deux dernières crises: crise du COVID 19 et crise russo-ukrainienne.

 4- Le temps de l’avantage comparatif du cacao à questionner

Même transformé au Cameroun, il reste un serpent de mer. Jusque-là, le problème macroéconomique n’est pas résolu. Les facteurs de production de dernière génération pour la compétition internationale sont à notre défaveur. Le vrai débat est microéconomique et macroéconomique.

En microéconomie, nous gagnons quelques billets en vendant le Kg à 2015fcfa, nous sommes contents, c’est bon. Les revenus supplémentaires sont là. Mais, sauf qu’en Macroéconomie nous allons perdre en termes de pouvoir d’achat, car avec nos revenus du cacao nous allons chercher à consommer du manioc, du poisson, du plantain, du poulet, de la tomate, l’arachide, l’huile et autres qui sont rares, absents et par conséquent très coûteux actuellement à cause de l’inflation et la crise de sous-production.

Dès lors, la danse va s’arrêter quand on sera face à cette inflation liée à la crise de sous-production. Voilà les vrais enjeux.

“…Si l’Afrique a faim, c’est parce que ses terres ont faim…”

Dr ONGUENE ATEBA Julien

 5- Le danger qui menace l’import-substitution de la SND30

Nos habitudes alimentaires nous coûtent chères. Car, à trop importer on oublie la conséquence. C’est le challenge que le Cameroun veut résoudre avec l’import-substitution. Ce sont des externalités que les uns ignorent. En fait, si on fait une analyse empirique sur le terrain avec une bonne collecte des données pertinentes, on arrivera à une analyse selon laquelle le Kg de Cacao à 2015fcfa actuellement est ce que nous appelons un Revenu supplémentaire appauvrissant pour les concernés.

Un peu comme une croissance appauvrissante au niveau macroéconomique. On voit la croissance économique, mais le sous-développement demeure.

 6-Recommandations

 Nous préconisons de ne pas arrêter totalement de faire dans la cacaoculture. Mais,  que cette culture soit considérée comme marginale pour les enjeux d’autosuffisance alimentaire. D’ailleurs, le modèle agricole implémenté dans le DSCE de 2009 et la SND30 de 2020 n’en fait pas une priorité. Et donc, l’accent doit être mis sur des cultures plus rentables et surtout qui peuvent nous nourrir et ensuite les exporter dans le grand marché continental de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) ou vers d’autres zones comme les BRICS.

Il faut montrer aux autres qu’on peut produire la farine d’igname, la farine de macabo par exemple dans un label en respect avec les normes ISO et exporter chez eux. C’est exactement le modèle économique du type bantou que nous préconisons pour l’Afrique. Il nous évitera le paradoxe du revenu supplémentaire du Cacao à 2015fcfa le Kg face à l’inflation et rareté des produits de consommation agricole qui ridiculise notre pouvoir d’achat.

Dr ONGUENE ATEBA Julien

Economiste et Logisticien des transports

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