Blanchiment de délits environnementaux au Brésil : SHERPA poursuit 4 banques françaises (Libé)

BNP Paribas, le Crédit agricole, BPCE et Axa sont visées par une plainte pour «blanchiment» et «recel», déposée auprès du Parquet national financier ce mercredi par l’association Sherpa. L’ONG demande l’ouverture d’une enquête sur leurs investissements dans des entreprises brésiliennes de viande bovine.

Dans l’Etat brésilien d’Amazonie, en septembre 2023. (Michael Dantas/AFP)

Pour la première fois en France, des banques font l’objet d’une plainte pénale pour blanchiment de délits environnementaux. L’association Sherpa s’indigne de voir plusieurs institutions financières françaises continuer d’offrir des sources de financement aux multinationales de l’agro-industrie brésilienne, ayant des antécédents avérés de violations de droits humains et de l’environnement. Elle demande aujourd’hui au Parquet national financier d’ouvrir une enquête sur BNP Paribas, le Crédit agricole, BPCE et Axa, en raison de leur appui financier à des activités économiques présumées illégales, et du profit qu’elles en retirent.

par Mathilde Roche

«La responsabilité de la filière bovine brésilienne dans la déforestation»

Ces quatre banques ont réalisé des investissements de près de 70 millions de dollars (environ 65 millions d’euros) au profit de JBS et Marfrig, leaders brésiliens dans la viande de bœuf, entre 2018 et 2021. Or, sur la même période, plusieurs enquêtes de l’ONG locale Repórter Brasil ont documenté de multiples violations sociales et environnementales dans les chaînes d’approvisionnement de ces entreprises. Une analyse récente du Center of Climate Crime Analysis, basée sur un échantillon de fournisseurs pour les abattoirs de JBS et Marfrig dans deux Etats brésiliens, le Mato Grosso et le Pará, a aussi mis en lumière des irrégularités chez 40 %, voire plus de 50 %, d’entre eux. Ces irrégularités incluent non seulement des faits de déforestation, mais également l’accaparement de territoires autochtones et de zones forestières protégées. «Les profits des multinationales de l’agroalimentaire proviendraient ainsi en partie des revenus de la vente de bovins élevés sur des terres illégalement déforestées», résume Fernanda Sucupira, chercheuse à Repórter Brasil.

«Les banques françaises ne peuvent ignorer la responsabilité de la filière bovine brésilienne dans la déforestation, un problème massif et systémique, affirme Jean-Philippe Foegle, chargé de contentieux et plaidoyer à Sherpa, programme flux financiers illicites. Lors de la publication par Repórter Brasil d’un rapport sur le sujet en novembre 2022, les banques s’étaient pour l’essentiel contentées de rappeler l’existence d’engagements volontaires pour la préservation de la biodiversité et avaient refusé de commenter les données présentées pour des «raisons de confidentialité»». Selon lui, elles auraient donc financé en toute connaissance de cause des activités illégales et pourraient de fait être accusées de blanchiment : «En investissant dans des entreprises qui s’approvisionnent auprès de fermes responsables de déforestation illégale, BNP Paribas, Crédit agricole, BPCE et Axa permettraient de réintroduire dans le circuit légal les bénéfices de ces infractions.»

«L’un des principaux puits de carbone de la planète»

«Sherpa s’est concentrée, dans la plainte, sur quatre demandes d’emprunt émises par JBS et Marfrig, dans lesquelles les banques visées ont investi, précise Jean-Philippe Foegle. Les montants sont assez conséquents : près de 30 millions pour Crédit agricole en 2018, pour des bénéfices de 3,5 millions. Ou encore 37 millions pour BPCE, pour un bénéfice d’un million et demi de dollars, en 2021.» La même année, la déforestation de la forêt amazonienne a atteint son plus haut niveau en douze ans, selon l’Institut national de recherche spatiale brésilien. Entre 2001 et 2020, cette forêt a perdu près de 9 % de sa surface pour laisser place à des cultures de soja et à des fermes d’élevage bovin. «L’Amazonie est pourtant l’un des principaux puits de carbone de la planète et constitue un réservoir de près de 10 % de la biodiversité mondiale. Son importance est cruciale dans un contexte d’urgence climatique, rappelle Théa Bounfour, chargée de contentieux et plaidoyer environnement. Pour Sherpa, l’enjeu d’une telle plainte est de voir reconnaître la responsabilité pénale des banques qui continuent de financer des activités qui portent de graves atteintes à l’environnement et aux droits humains.»

Quel espoir de voir la justice française se saisir de ce dossier international ? «Sur le plan juridique, le fait que le siège social des banques soit situé sur le territoire français et que ces dernières soient décisionnaires en matière de choix d’investissement est suffisant pour que les autorités judiciaires soient compétentes pour enquêter et, le cas échéant, les condamner, soutient le chargé de contentieux et plaidoyer Sherpa. C’est particulièrement vrai en matière de blanchiment d’argent : dès lors que l’intermédiaire bancaire ayant aidé à blanchir les sommes est situé en France, les juridictions françaises peuvent être saisies.» L’association n’a pas confronté les acteurs visés par la plainte à ses éléments, et compte sur la justice pour organiser un débat contradictoire une fois les poursuites enclenchées.

Axa a souhaité réagir auprès de Libération : «En cohérence avec notre raison d’être, «Agir pour le progrès humain en protégeant ce qui compte», nous surveillons et actualisons régulièrement nos politiques internes concernant l’investissement responsable notamment en matière d’environnement et de droits humains. Notre entreprise a l’une des politiques les plus strictes en la matière, qui est conforme aux lois et normes internationales en vigueur». Sollicitées, les autres banques n’ont pas encore commenté ces accusations.

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