“Dialogue entre un Sardinard et un Tontinard” de Félix Mbetbo : Mise en scène littéraire de la société camerounaise d’aujourd’hui

Portrait ou caricature de la très clivée société camerounaise actuelle ? « DIALOGUE ENTRE UN SARDINARD ET UN TONTINARD »,  nouvel ouvrage de l’écrivain Félix Mbetbo, tient à la fois de l’un et l’autre genres, tant il décrit à première vue une réalité indéniable tandis qu’au fond il y met artistement un zeste considérable d’exagération des traits, pour intéresser le lecteur à la dramatique existentielle d’un Cameroun divisé, dont les citoyens n’ont en commun que ce manichéisme qui fait croire à chacun son vis-à-vis est à lui seul la représentation du pandémonium biblique, grouillant de ses mille et un démons en pleine tribulation et se démenant pour priver de quiétude le reste de la création.

Le Cameroun mis en scène

  Perçu par une frange importante du public comme une traduction livresque policée des querelles camerouno-camerounaises déclinées bordéliquement sur les plateformes en réseau, Youtube et Facebook en l’occurrence, « DIALOGUE ENTRE UN SARDINARD ET UN TONTINARD » est en réalité un miroir des turpitudes des citoyens d’un pays qui se sont progressivement et sensiblement laissé manipuler par de pseudo-stratèges politiques sans vergogne, tapis dans l’ombre des politiciens du régime en place et de l’opposition, au point de socialiser le fait politique, pour n’en faire qu’une pratique éminemment ethno-tribaliste. Résultat des courses, des citoyens installés inconsciemment sur une poudrière qu’ils ne perçoivent que sous le prisme simpliste d’une dualité sans conséquence entre les bons et les mauvais, entre l’ethnie des patriotes et celle des antipatriotes…

Et comme tous les miroirs, le dernier ouvrage*  de Félix Mbetbo est une manière de réquisitoire contre le tribalisme en même temps qu’il se veut un  traitement contre la maladie originelle de la stigmatisation et du rejet de l’autre, inoculée aux Camerounais depuis la nuit des temps par ceux qui ont vite compris que dans leur intérêt, il valait mieux diviser ce peuple, pour le contrôler.  

Plaidoyer pour le retour au vivre ensemble

D’où le sous-titre : « Savoir vivre ou mourir ensemble », invite explicite à savoir jusqu’où ne pas aller, afin de préserver l’indispensable fraternité essentielle à la réalisation du chantier de la construction de la nation Camerounaise  dont les Camerounais ont été détournés par les différentes colonisations. La colonisation française en particulier, qui a mis la charrue devant les bœufs en érigeant des États artificiels ne s’adossant pas sur une histoire ou un sentiment national. Qui pis est, ils ont transmis à leurs suppôts locaux, l’œuvre infâme de relégation au ban de l’histoire des figures consensuelles autour desquelles une histoire nationale commune peut être construite.

Dernière de Cover de DIALOGUE ENTRE UN SARDINARD ET UN TONTINARD

Les chapitres « Les moments tribalistes dans notre histoire » et « Par-delà les murs, ériger des ponts » campent la posture d’un Cameroun qui veut se départir de ses socialisations. Autrement dit, un Cameroun dont les citoyens veulent se débarrasser des noms d’oiseaux (“tontinards”, “sardinards”, “anglo-bamis”, “talibans”, “Nkwa’a”, “nguelefiss”, “bosniaques”, “envahisseurs”, “ambazozos”, “moutons du nord”…)  dont ses filles et fils s’affublent.       

Présenté au public le 11 février 2021, « DIALOGUE ENTRE UN SARDINARD ET UN TONTINARD »  a été publié Aux Editions du Muntu.

Félix Mbetbo est également l’auteur de l’auteur de « Le Philosophe et le Numérique », « La république du Piment », « Sur les rues de Douala », et « Coupez-leur le zizi »,  

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