Cameroun : Ce qui peut changer dans la crise sous Joe Biden

A deux semaines de l'investiture du démocrate Joe Biden comme 46e président des Etats-Unis d'Amérique, Wanah Immanuel Bumakor, Chercheur et Consultant en études de paix et gestion des conflits se projette sur l'avenir à espérer par les Camerounais, livrés depuis 5 ans à diverses crises, avec l'entrée aux affaires d'une nouvelle équipe d'un nouveau bord politique. Décryptage exclusif sur Cameroonvoice.

Alors que nous entrons dans cette nouvelle année 2021, mon fervent espoir est de voir tous les Camerounais, au-delà de leurs ethnies, de leurs affiliations religieuses et politiques, s’efforcer de se rassembler pour restaurer la paix dans notre pays. Là où il n’y a pas de paix, il n’y a pas de développement. Seuls les citoyens qui aiment leur pays peuvent apporter des solutions pacifiques et durables à la crise dont notre pays est témoin depuis plus de 4 ans maintenant, et il est douloureux d’admettre que la situation ne fait qu’empirer malgré une pléthore de conseils, d‘avertissements et de solutions de la société civile camerounaise, les leaders religieux, les partis politiques et la communauté internationale.

La vérité crue est qu’aucune solution appropriée ne peut venir de l’extérieur ou d’une puissance étrangère parce qu’ils sont principalement motivés à rechercher leur intérêt. Malheureusement, le système international fonctionne de manière très hostile, motivée par l’intérêt, d’autant plus que l’apres-COVID-19 peut conduire à un nouvel ordre mondial qui sera caractérisé par beaucoup de confrontations entre les superpuissances. Par conséquent, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour ne pas permettre aux superpuissances d’utiliser le Cameroun comme champ de bataille pour leurs intérêts; compte tenu de la position stratégique de notre pays dans la sous-région. Cependant, le système international est plus marqué par sa cruauté car il continue d’être fidèle au principe selon lequel «il n’y a pas d’ennemis permanents, et pas d’amis permanents, seulement des intérêts permanents».


Ce qui doit plonger profondément dans les esprit des Camerounais aujourd’hui, c’est que la communauté internationale intervient le plus souvent dans des pays, que ce soit économique, humanitaire, diplomatique ou militaire, lorsque le gouvernement d’un pays a échoué dans sa mission fondamentale qui est de rassembler ses citoyens de tous les horizons pour résoudre leurs problèmes prolongés. Lorsqu’un gouvernement refuse d’écouter son propre peuple, il cesse d’être légitime et seul le chaos peut régner dans le pays. En ce qui concerne la récente résolution du Sénat américain, cet avertissement doit être pris avec un sérieux extrême car c’est désormais une nouvelle administration, complètement différente de celle de Trump, qui prend le relais.


Plusieurs revues internationales et analystes politiques ont décrit la victoire de Joe Biden comme un «retour à la normalité» par les États-Unis en tant que superpuissance mondiale sur la scène internationale avec de nombreux dirigeants mondiaux, en particulier les Européens réagissant à la défaite du président Donald Trump avec un soupir de soulagement. Cela peut nous donner un aperçu de la façon dont le mandat de Donald Trump a perturbé les relations entre les États-Unis et ses alliés et les diverses organes mondiaux au point de poser une menace pour les structures de l’ordre libéral international que les États-Unis ont contribué à construire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il convient de mentionner que l’ordre mondial libéral mis en place par les États-Unis était axé sur la promotion de la démocratie, du libre-échange et des droits humains qui ont été accélérés pendant la fin de la Guerre Froide. 


À cet égard, le slogan de Trump « American First » était en contradiction avec le rôle des États-Unis de maintien de l’ordre et de promotion des valeurs libérales dans le monde, afin de maintenir leur suprématie sur la scène mondiale. Mais le style de Trump a plutôt insinué que les États-Unis se retireront progressivement du rôle qu’ils ont joué en tant que leader du monde libre pendant plus de 7 décennies. En conséquence, nous avons vu les États-Unis se retirer unilatéralement des conventions signées avec leurs alliés tels que l’Accord de Paris sur le changement climatique, l’accord sur le nucléaire iranien appelé Plan d’action global conjoint et bien d’autres, y compris le retrait des États-Unis du Partenariat transpacifique (TTP). Plus particulièrement, nous observons également les décisions unilatérales prises par Trump au Moyen-Orient concernant le conflit israélo-palestinien qui a créé beaucoup d’instabilité dans la région, bien que c’est également sous l’administration de Trump que plusieurs pays arabes ont ouvertement reconnu Israël comme un État. Néanmoins, cela ne signifie pas que la politique étrangère de Trump représentait un changement radical par rapport aux politiques des administrations précédentes, mais comme aux États-Unis, le président a un rôle prédominant dans les affaires étrangères de son pays, le style et l’arrogance de Trump ont causé beaucoup de dégâts dans ses relations avec les alliés américains.

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Cependant, étant donné le système de freins et contrepoids aux États-Unis, il est donc impossible que la politique étrangère soit uniquement dans les mains d’une seule personne. C’est pour cette raison que le Congrès américain a émis une déclaration au régime de Biya concernant les violations des droits de l’homme et la résolution de la guerre en cours dans les régions anglophones qui a conduit aux sanctions militaires américaines contre le Cameroun en 2019 et à la suspension du Cameroun de l’AGOA. Étant donné que l’un des objectifs de l’administration Trump était de diminuer la position de leadership américaine sur certaines questions comme la démocratie, les droits de l’homme et la médiation dans les conflits dans le monde, la crise anglophone ne pouvait pas être une priorité pour les républicains qui suivaient fidèlement la position de leur chef. Au contraire, le retour à la normalité qui semble décrit avec la victoire de Biden révèle que les États-Unis sont de retour comme la maire de Paris, Anne Hidalgo, a déclaré dans un tweet après que le candidat démocrate a été déclaré vainqueur, prouve simplement que les États-Unis sont prêts à poursuivre leur position de leader dans le monde et pourraient facilement accélérer une intervention dans la crise actuelle au Cameroun.


Il est important de souligner que généralement la politique étrangère américaine est non partisane mais parfois le style change en fonction des priorités du président. Il est vrai que l’administration Trump a été tiède face à la situation politique du Cameroun en gardant à l’esprit les raisons que j’ai mentionnées précédemment. Cependant, on peut remarquer que les démocrates du Congrès américain ont été très attachés à la situation au Cameroun car le vice-président élu Kamala Harris était l’un des sénateurs qui a écrit au secrétaire d’État, Mike Pompeo, pour demander aux États-Unis d’intervenir pour apporter une solution à la crise anglophone. 

Plus particulièrement, la résolution du Congrès américain sur la crise anglophone appelant le régime Biya à organiser un dialogue inclusif a été parrainée par la députée démocrate Karen Bass qui pourrait faire partie de l’administration Biden. Cela implique que la vice-présidente élue, Kamala Harris et la membre du Congrès Karen Bass, aient la chance d’influencer les décisions du président élu, Joe Biden, qui pourrait juger l’intervention des États-Unis dans la résolution de la crise anglophone comme une priorité compte tenu de la catastrophe humanitaire que  la guerre a provoqué au Cameroun et dans la sous-région.


Il faut également préciser que lorsque nous parlons d’intervention, cela ne signifie pas nécessairement une intervention militaire. Cela peut être humanitaire, diplomatique ou même des bons offices. Les États-Unis envoient à peine leurs militaires sur le sol africain, mais ils utilisent le plus souvent leur statut de superpuissance pour sanctionner un régime récalcitrant qui n’utilise pas des moyens pacifiques ou une procédure démocratique pour résoudre la crise.

Les États-Unis ont déjà sanctionné le Cameroun bien que ces sanctions n’affectent pas vraiment le régime Biya. Cependant, le retour des États-Unis pourrait également signifier davantage de coopération multilatérale avec ses alliés pour mettre fin à la guerre au Cameroun, ce que l’administration Trump n’a pas réussi à faire. Aussi, une diplomatie menée depuis la Maison Blanche pour intervenir dans crise est plus efficace que celle menée par le Congrès et peut-être que cela pourrait amener la crise anglophone au Conseil de sécurité des Nations Unies; ce qui pourrait être un cauchemar pour ce régime.

 Wanah Immanuel Bumakor Chercheur et Consultant en études de paix et gestion des conflits

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