Abattu d’une balle dans la tête. Comme la mère de l’opposant Yaya Dillo que ses hommes ont tuée le 28 février 2021. Exactement de ce genre de mort que bon nombre de ses opposants ont expérimenté avec douleur pendant ses 30 ans de règne sans partage sur le Tchad. Celui qui s’était auto-élevé “Maréchal” le 11 août 2020, lors du 60ème anniversaire de l’indépendance du Tchad, n’aura pas l’occasion de célébrer le 1er anniversaire de son accession à cette dignité militaire.
Une dignité qui, au reste n’est plus une marque d’honneur, l’histoire récente en disant plutôt long sur la nature foncièrement bête et méchante de la quasi-totalité des personnages qui l’ont portée ces cent dernières années dans le monde, mais surtout en Afrique.
Victime de la Malédiction des Maréchaux d’opérette,
A ce propos, l’histoire retiendra comme paradigmatique du sort des maréchaux d’ici et d’ailleurs, l’infamie dans laquelle a fini en France le Maréchal Pétain capitulant comme une souris surprise par le propriétaire du logis –et faisant capituler avec lui toute la France- devant l’éphémère Première Classe Adolf Hitler. Lequel ancien soldat du rang Hitler, déjà sans bagage intellectuel notable, avait, six ans avant le déclenchement par lui de la Seconde Guerre Mondiale, roulé dans la Farine le sénile Maréchal Paul von Hindenburg, en se faisant confier la Chancellerie. Moins lointain encore, l’irakien Saddam Hussein jadis Général, n’est devenu proie facile à dénicher dans un trou à rat avant d’être pendu par les Américains qu’après s’être laissé happer par la tentation du Maréchalat.
En Afrique particulièrement, hormis le cas de l’actuel Maréchal-président-dictateur égyptien Abdel Fatah Al Sissi qui, à l’allure où vont les choses, risque un sort pas du tout différent de celui de ses trois derniers prédécesseurs à la tête du pays des Pharaons (Anouar el Sadate, Mohamed Hosni Moubarak et Mohamed Morsi), aucun célèbre Maréchal africain (Idi Amin Dada d’Ouganda, Jean-Bedel Bokassa de Centrafrique, Mobutu Sese Seko Kuku Gwendu Waza Banga de l’ex-Zaïre, Omar el-Béchir du Soudan ou encore le général libyen Khalifa Haftar dont la capacité de nuisance semble se réduire comme peau de chagrin depuis qu’il s’est autoproclamé Maréchal, aucun Maréchal connu d’Afrique n’a pu s’éviter le déshonneur avant ou au moment de sa mort. Idriss Déby n’a pas pu être l’exception qui aurait permis de confirmer la règle.
Trêve de fresque historique, revenons à nos moutons !
Une certaine morale voudrait que l’on affiche d’impossibles bons sentiments de compassion, de commisération à la mort du prochain, quelque soit son rapport à nous. Les plus hypocrites ajoutent que nul ne doit se réjouir de la mort d’un être humain, fut-il son ennemi, ou, plus encore, son bourreau.
En clair, un personnage brutal peut passer le clair de son temps à infliger toutes sortes de souffrances à ses semblables, du lever du jour à la tombée de la nuit, et dès que la mort survient pour l’écarter de leurs vies, et par le fait même, les en libérer, ces derniers ont le devoir de se vêtir du manteau de tristesse, se lamenter sur leur tortionnaire, ou s’abstenir d’exprimer leur soulagement. La raison ? C’est une loi naturelle que toute créature périsse. Alors donc, puisque nous mourrons tous, ne nous réjouissons pas de la mort de l’autre, de crainte qu’à notre mort d’autres se réjouissent.
Foutaises que tout ça ! Qui peut se rire de la mémoire d’une victime de la tyrannie si ce n’est un pervers viscéral doublé d’un malfaiteur congénital ? Et tant qu’à faire, si ce n’est que pour ne pas être moqué à sa mort par des criminels, leurs proches ou descendants, autant ne rien faire pour s’épargner leur ignobles et inutiles avanies, car ceux qui se battent contre ces puissants assassins au péril de leurs vies savent que le comble de l’infamie c’est de vivre dans la pensée qu’ils sont les spectateurs passifs de la crapulerie des fossoyeurs du bien-être et de la liberté inaliénables du genre humain, autrement dit, qu’ils ne font rien pour troubler ne serait-ce que symboliquement leur sommeil. Morts au combat, même si ce n’est pas le projet, la noblesse de la cause qu’ils défendent suffit à les auréoler du statut de martyrs. Ils vivront ainsi à jamais dans les cœurs et les esprits de leurs contemporains et, plus tard, d’un nombre infini de générations futures. Ce qui ne sera jamais le cas des tortionnaires dont la mémoire n’est évoquée qu’avec une certaine appréhension par leurs propres descendants qui prient parfois abondamment, en vain d’ailleurs, pour que le temps qui passe efface de la mémoire collective les perfidies de leurs méphistophéliques ascendants déjà aux prises avec les rigueurs de l’enfer éternel qui, lui n’a rien à cirer du fait que les adeptes des sectes sataniques aient admis ou non de leur vivant son existence et l’empire qu’il a sur leurs âmes.
Voilà pourquoi le décès sur le champ de guerre contre les rebelles de celui qui était arrivé au pouvoir le 1er décembre 1990 après avoir animé une intense et sanglante rébellion contre son ancien mentor, le non moins criminel Hissène Habré, est perçu par de nombreux Africains solidaires du peuple castré, muselé et apeuré du Tchad doit être une libération formidable, même si un Déby en cachant un autre, c’est Déby fils qui a pris provisoirement les commandes du Tchad pour 18 mois, le temps qu’il fasse le nettoyage qu’il faut et s’établisse comme le « Maréchal président à vie » du pays de François Tombalbaye, Félix Malloum, Goukouni Weddeye.
Qui gouverne par les assassinats périra par une balle dans la tête ?
La dernière chose que l’auteur de ces lignes retient du tyran sanguinaire qui trônait d’une main de fer sur le Tchad et qui vient de connaitre à son tour le sort qu’il a réservé à ses opposants depuis 1990, est la brutale répression des 6 et 15 février, puis des 20 et 27 mars derniers des manifestants tchadiens qui protestaient contre son sixième mandat. Une répression qu’ Ida Sawyer, directrice adjointe de la division Afrique à l’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, dénonçait le 8 avril 2021 en de termes sans équivoque : « Alors même que de nombreux Tchadiens descendent courageusement dans la rue pour réclamer pacifiquement le changement et le respect de leurs droits fondamentaux, les autorités tchadiennes répondent en écrasant la dissidence et éradiquant l’espoir d’une élection équitable ou crédible ».
Il faut ajouter que les actes de répression de ces trois derniers mois (février, mars et avril 2021) sont une douceur incommensurable rapportés à ce que le régime de l’ancien bras droit de Hissène Habré a fait subir aux Tchadiens depuis 1990. Et pourtant, par leurs déclinaisons, ils sont déjà insupportables pour tout être humain normal : interdiction de toutes les manifestations politiques de l’opposition, des dizaines de manifestants et de passants blessés par les forces de répression, arrestation arbitraire d’au moins 112 membres et sympathisants de partis d’opposition et d’activistes de la société civile, passage à tabac et pratiques d’autres supplices sur les personnes arrêtées, sans oublier l’assassinat le 28 février 2021 de la mère -âgée de 80 ans- de l’homme politique Yaya Dillo Djerou Betchi(*), lors d’une attaque brutale par les forces de sécurité de monsieur Deby du domicile de cet opposant, candidat d’une coalition de 13 partis politiques à la présidentielle du 11 avril 2021. Ce 28 février également, un des fils et trois autres parents de l’opposant a été tué et cinq autres membres de sa familles blessés grièvement. Et c’est avec ce bilan en matière de violations des droits humains que ce faux panafricaniste soupçonné ces derniers temps de servir de base arrière aux rebelles centrafricains désireux de renverser Faustin Archange Touadéra pour le compte de la France, voulait gouverner après avoir arraché de force un 6ème mandat avec d’imaginaires 79% de suffrages favorables à un peuple tchadien riche de son pétrole qu’il avait pourtant réussi à hisser au honteux rang de 187e pays sur 189 au classement de l’indice de développement humain (IDH) de l’ONU.
Vivement que Dieu et la nature libèrent l’Afrique en réservant le même sort à tous les Idriss Déb Itno d’Afrique, insatiables de mandats présidentiels, emprisonnant et tuant leurs opposants, qu’ils aient ou non porté la dignité de Maréchal.
(*)L’année dernière, l’ancien ministre et diplomate tchadien, devenu une figure importante de l’opposition Yaya Dillo Djerou Betchi, avait critiqué la gestion de la pandémie du Coronavirus par le gouvernement, en pointant du doigt la Fondation Grand Cœur de Hinda Deby Itno, l’épouse du président Deby qu’il considérait comme étant de trop dans la gestion de cette crise sanitaire. Il demandait par conséquent au maître de N’djamena d’écarter son épouse de l’affaire. C’est pour cette raison qu’il était poursuivi pour diffamation et injures à l’encontre de Hinda Deby Itno et de sa Fondation. Sa candidature à la présidentielle soutenue par une forte coalition a tout simplement poussé Deby à le mettre aux arrêts. Rendu à son domicile, les forces de sécurité qui ne l’y avaient pas trouvé ont voulu mettre les résidents aux arrêts d’où les protestations qui ont été fatales à cinq d’entre eux, selon les sources de Cameroonvoice